Ambient TV + Kondition Pluriel

Ambiant TV.NET (Manu Luksch + Mukul Patel) interroge la notion de progrès par la mise au point d’outils, de contextes et de processus autour des questions de la surveillance, de la récolte de données corporelles et de régulation de l’espace public.
Manu Luksch s’intéresse aux effets des technologies numériques sur la vie quotidienne, les relations sociales, l’espace urbain et les structures politiques, en particulier sur les limites de l’autorisation et de l’injonction, les seuils et les contraintes de l’espace public, et les traces des données accumulées dans la société numérique.
Le travail de Mukul Patel se fonde sur la notion de “processus graduel” de Steve Reich, sur les travaux de l’OULIPO et sur la musique du nord de l’Inde. Il explore l’encodage et le décodage du sens dans les médias, plus particulièrement le son dans sa relation à l’espace et le langage dans sa relation à la contrainte.

Myriorama : a dance performance for a live location-aware media environment, 2003-2004.

Ambiant TV + Kondition Pluriel, Myriorama, vue de la performance, projections de la marche annotée de Manu Luksch. Photo : Anthony Auerbach Source :[http://www.ambienttv.net/4/myriorama/pixdoc/frames.html]

Ambiant TV + Kondition Pluriel, Myriorama, vue de la performance, projections de la marche annotée de Manu Luksch.
Photo : Anthony Auerbach
Source : http://www.ambienttv.net/4/myriorama/pixdoc/frames.html

 
Myriorama est une performance chorégraphique en réseau constituée de pièces applicatives intitulées TRyPTICON. Il s’agit d’un dispositif d’écriture collaborative, dont l’espace performatif est celui d’un quartier urbain, qui effectue en temps réel un traitement visuel et sonore d’un flux de données distant, agrégeant plusieurs espaces distincts : celui du traitement et de la visualisation situé dans un espace d’exposition et celui de la récupération de données situé dans l’espace urbain, l’espace physique de la ville et l’espace de données numériques et de leur transmission.
Des transmissions audio et video sont combinées à partir de deux unités sources de transmission mobiles équipées de GPS animées par des performeurs qui déambulent dans la ville. Les données générées par leur itinéraire sont récupérées et traitées par trois autres performers à l’aide d’un système informatique (patch Max/MSP/jitter + Open Sound Control) qui en proposent une interprétation dans l’espace d’exposition. Espace proche, espace lointain, temporalités distinctes, perception simultanée, sons et images se superposent et se mélangent dans un objet complexe et vivant.
Une dialectique entre espace proche et espace lointain est créée par la juxtaposition de la visualisation de la trace des performeurs extérieurs et de la modélisation en trois dimensions de l’espace d’exposition déformé en temps réel par les données GPS transmises par ces mêmes performeurs et de la diffusion du flux sonore qu’ils captent grâce à leur téléphone.
La modification des traces des performeurs extérieurs par l’interprétation en temps réel des annotations d’ambiance qu’ils laissent sur place renforcent la perception de la superposition temporelle et spatiale du proche et du lointain.
Les rues de la ville se transforment en portée musicale : les données spatiales générées par le calcul de la position relative des performeurs à l’espace d’exposition sont utilisées pour paramétrer la tonalité et la vitesse du flux sonore joué en temps réel dans l’espace d’exposition par les artistes invités.
Les samples des voix des flâneurs, visiblement attachés à leur traces à l’écran, seront utilisés à leur retour par ces derniers pour remixer leur trajet en objets sonores.
Certaines modalités du fonctionnement de TryPTICON l’inscrivent de façon explicite dans le prolongement esthétique de la promenade surréaliste et de l’errance urbaine situationniste ici rejouées dans un contexte technologique et médiatique. Les itinéraires des promeneurs extérieurs sont déterminés par des algorithmes laissés par le public dans l’espace d’exposition qui évoquent les contraintes d’écritures oulipiennes (traverser la ville en n’empruntant que des rues qui commencent par la lettre “C”, prendre les pistes cyclables, etc.). Une fois sur les lieux, les annotations laissées par les performeurs s’inspirent de textes choisis (Thomas Bernhard, « Marcher », in Amras et Autres récits, Jack Kerouac, Sur la route, Les frères Grimm, Hansël et Gretel, Henry David Thoreau, Walden, Homère, L’Odyssée, Georges Perec, Espèces d’espaces, textes et travaux de l’Oulipo). Les objets produits prolongent les cartes de Guy Debord, les textes et récits de promenades surréalistes dans d’un champ de données spatiales et temporelles contemporain, ceux de l’instantanéité et des espaces hybridés.

Textes et documents de référence
TRyPTICON, Wandering Wireless Performance
[http://www.ambienttv.net/telejam/3/tryptichon.pdf]