Le travail de Pete Gomes est intrinsèquement lié à l’émergence et au développement de l’internet et de l’ordinateur individuel. Il s’est constitué parallèlement au développement du net.art et des arts numériques et en suit la trajectoire et l’esthétique dans leur réflexion progressive sur les potentiels artistiques des technologies émergentes.
Il a fondé Mutantfilm, une société de production indépendante, en 1997.
[http://www.mutantfilm.com/]
Here, Here and Here, 2002
Here, here and here est une performance d’une heure pendant laquelle Pete Gomes a dessiné à la craie la copie d’écran de son récepteur GPS devant le seuil de l’Institut d’Art Contemporain de Londres, transposant ainsi sur le sol une information numérique qui met en abîme la situation géographique du bâtiment. Les heures, minutes et secondes sur l’écran du GPS ont été les dernières choses à avoir été écrites et ont conclu la performance.
La performance a été enregistrée en format DV.
Location, location, location, 2004
Pour Location, location, location, Pete Gomes a dessiné à la craie pendant 7 heures, sur le trajet d’environ 1 km qui le séparait de la Galerie Event Network (à partie de la station de métro Bethnal Green), les informations que lui donnait son récepteur GPS sur le sol et les murs de la ville. Ses dessins situent des points de repères anecdotiques, trace les limites immatérielles du système de positionnement géographique dans l’environnement urbain. Cette performance ouvre sur un questionnement plus qu’elle n’apporte des réponses. Elle ne fait pas l’apologie des technologies de géolocalisation mais constate les échappées conceptuelles, les potentiels à venir de la façon dont l’expérience sensible de nos mouvements dans un paysage pourraient modifier notre présence, nos pensées, nos idées et nos sentiments.
Littoral Map, 2006
Littoral Map consiste en la transposition de la représentation cartographique de la dernière forêt littorale du sud de Madagascar, dont l’existence est menacée par un projet d’exploitation minière, dans, et à l’extérieur du bâtiment qui abrite la galerie Plimsoll à Hobart en Tasmanie.
Le dessin est réalisé à l’échelle du bâtiment et transposé sur le plan du bâtiment, en utilisant le sol mais aussi les éléments architecturaux, à partir de la mise à l’échelle d’images satellites aériennes. Sur ce dessin à l’échelle, sont déterminés 20 ponts spécifiques qui sont ensuite mesurés par un GPS. Ces points, sont inscrits sur le dessin, accompagnés des coordonnées calculées par le GPS dans la Galerie. La carte fait alors coïncider et dialoguer des lieux à la fois présents et distants, et met en évidence l’urgence d’une situation qui met en danger l’un des patrimoines écologiques le plus importants de la planète et menace ses habitants et leur culture.
Julian Bleecker est designer et chercheur dans le domaine des technologies mobiles sans fil. Ses projets mettent en oeuvre des technologies et des usages émergents à la croisée du design, de la science fiction, du cinéma, des espaces urbains. Il est co-fondateur du Near Future Laboratory, groupe prospectif sur la pensée, la fabrication, le design, le développement et la recherche de pratiques qui s’inscrivent dans le futur proche des mondes numériques.
[http://nearfuturelaboratory.com/]
[http://www.techkwondo.com/index.html]
WiFi Art Cache, Digital Art on the Network Edge, 2003.
Dans WiFi Art Cache, Julian Bleecker renverse la logique d’extension généralisée de la communication en réseau dans l’espace public en créant des zones WiFi dont le contenu est ancré dans une localisation physique restreinte et délimitée.
Le projet se présente sous la forme d’un objet émetteur qui concentre en lui-même les notions de proximité physique, de narration et d’interactivité pour engager une réflexion à propos des espaces produits par l’ubiquité numérique. Cet objet, situé dans un espace public urbain, émet un signal d’accès WiFi semblable à première vue aux points d’accès traditionnels, sauf que celui-ci se suffit à lui-même et forme une zone d’accès et d’échange autonome, intentionnellement déconnectée de l’internet public.
Une fois connecté au WiFi.ArtCache, quand la proximité physique avec le lieu est suffisante, on accède à un réseau local à partir duquel il est possible de télécharger des animations interactives créées par des artistes dont la teneur narrative réagit et se modifie en fonction des activités sociales et contextuelles d eleur usager.
Les animations sont programmées pour modifier leur comportement et leur apparence en fonction de cinq critères :
– intériorité ou extériorité de l’objet téléchargé par rapport au champ de portée du point d’accès WiFi.ArtCache ;
– nombre d’objets téléchargés de même type actifs dans le champ de portée du point d’accès WiFi.ArtCache ;
– nombre d’objets téléchargés de tous types actifs dans le champ de portée du point d’accès WiFi.ArtCache ;
– temps pendant lequel l’objet est resté disponible sur le noeud WiFi ;
– nombre de copies téléchargées d’un même objet.
WiFi.ArtCache met en tension les notions de proximité et de distance, dont les modalités d’action et la perception ont été remises en question par les réseaux numériques.
Par la création d’un espace physique partagé, le dispositif inverse d’une part la logique « déterritorialisante » des réseaux numériques en réintroduisant la nécessité de la matérialité de la présence physique d’un corps par la notion de proximité et révèle d’autre part, par l’objectivation de récits l’épaisseur du monde des données numériques.
En rendant perceptible la qualité matérielle et métaphorique du point de jonction formé par l’espace circonscrit par le champ de portée de la borne WiFi, le dispositif révèle également la porosité accrue des frontières entre espace public et espace privé. Il ne postule pas pour autant une opposition, ni même une distinction binaire entre les espaces de données numériques et les espaces physiques mais affirme au contraire la nature hybride d’un monde dans lequel il n’est plus possible de distinguer clairement ces deux types d’espaces.
WiFi.ArtCache a été réalisé dans le cadre d’une résidence R+D à l’Atelier Eyebeam en 2003.
WiFi.Bedouin est un noeud WiFi mobile qui forme une « île internet » WiFi déconnectée de l’internet global. Le projet remet en question les usages conventionnels de ce type de réseau en préférant pour l’élaboration d’architectures de réseaux numériques un mode opérationnel qui privilégie le concept de proximité physique à celui de connectivité.
En réaction à la morphologie et à l’usage des points d’accès WiFi et des appareils mobiles qui y accèdent, de leur prolifération qui a rapidement comblé le désir d’un accès ubiquitaire à Internet, WiFi.Bedouin est conçu pour étendre les sens possibles et les métaphores de l’accès de la proximité et de la connexion sans fil.
Le point d’accès généré par WiFi.Bedouin n’est pas le web sans fil mais un espace de données autonome qui nous oblige à considérer différemment les notions de virtualité, de matérialité, de mobilité, de proximité et de communauté.
Le projet se présente sous forme d’un sac à dos intégrant tout l’appareillage nécessaire au fonctionnement du dispositif.
WiFi.Bedouin adopte la stratégie du faux-semblant. Une fois sur les lieux, l’unité se signale comme un point d’accès WiFi traditionnel sans signe distinctif apparent. Ce sont ses usages possibles qui en révèlent la teneur.
Par défaut, WiFi.Bedouin propose des applications conventionnelles de type “groupware” (chat, open blog, streaming musical d’Itunes), mais donne également accès à des applications plus singulières qui se développent sur des registres à la fois critiques et narratifs.
Pour « SSID Stories », le nom du noeud WiFi correspond au titre d’un court récit. Quand un usager s’y connecte et tente d’accéder à un site web, il reçoit à la place une série de pages qui contiennent le récit lui-même, sous forme d’animation Flash ou de site web dynamique.
Le premier prototype de cette application a été testé pendant les NYC Wireless Lab Day au City Hall Park dans le centre de New-York. Pendant cet événement, WiFi.Bedouin a été configuré comme un noeud WiFi appelé « Downtown City Hall » qui, à la place de l’URL demandée, affichait les pages d’un site web contenant des images historiques et des anecdotes à propos du centre de New-York.
« Geo URL » repousse dans une perspective critique la fonction de divertissement ou la logique de propriété des URLs « dotcom » en affichant des contenus parfaitement inattendus suite à la saisie d’une URL dans le navigateur de l’usager. L’application fournit des pages parodiques des sites les plus populaires en leur ajoutant des contenus lié à la situation géographique de l’usager, au lieu dans lequel il se trouve.
La prolifération d’appareils équipés de récepteurs et d’émetteurs WiFi dans les mains d’un nombre croissant d’usagers introduit un nouveau registre de possibilités pour la création d’espaces dans lesquels l’agir se distribue à la fois et simultanément dans l’environnement physique bâti et dans l’environnement de données numériques. Ces espaces hybrides constituent des objets de questionnement concernant leurs usages avec pour hypothèse que leur relation aux lieux et aux contextes territoriaux sont des éléments essentiels de cette réflexion.