Résumé / Abstract
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, le champ de la création expérimente les technologies de géolocalisation numérique. En 2003, ces pratiques se constituent sous le terme de locative media. Elles énoncent leur ontologie à partir d’un positionnement esthétique au sein de la culture numérique basé sur le rejet du déni du corps exprimé par la cyberculture et par l’affirmation d’une extériorisation écranique et d’un déploiement sur l’ensemble des territoires physiques. À partir de ce constat, cette recherche a pour objectif de réévaluer la question du corps, de son statut, des formes de sa présence au monde dans le contexte de la culture numérique. L’hypothèse qui se pose alors est que les locative media participent d’une reconfiguration des relations entre le corps, les réseaux numériques et le territoire jusque là majoritairement envisagées sous forme de rapports bilatéraux (corps et territoire, territoire et réseau, corps et réseau), en une relation ternaire qu’il s’agit de saisir dans son ensemble.
Cette recherche se positionne à l’articulation de l’art et des sciences de l’information et de la communication mais se déploie, du fait de son ancrage dans un vaste contexte socio-technique et par son approche croisée du réseau, du corps et du territoire, dans une perspective transdisciplinaire qui excède largement ces deux domaines de départ.
L’ analyse croisée d’un corpus d’œuvres et de textes théoriques permet de mettre en évidence les résultats suivants :
Les pratiques artistiques des locative media relève d’une démarche exploratoire des espaces dits « hybrides » issus de l’imbrication des espaces physiques et numériques par la mise en œuvre de dispositifs dans lesquels la présence corporelle est un agent performatif
Elles induisent, d’un point de vue théorique, un glissement paradigmatique basé sur un rejet du déni du corps porté par la cyberculture pour se tourner vers les territoires tangibles de la chair et du vivant et de leur relation coextensive à un milieu à la fois technique et naturel.
L’observation et l’analyse de leur déploiement en milieu urbain permet d’en dégager les formes et les discours qui ancrent ces pratiques dans une dimension politique de l’art lié à un vaste questionnement transdisciplinaire qui révèle les enjeux et interroge les conditions d’habitabilité du monde contemporain.
Enfin, en regard de leur caractère émergent et de la dispersion des sources concernant ces pratiques, un panorama constitué d’une approche définitionnelle, d’une approche généalogique, et d’une approche discursive et esthétique a pu en être dressé.
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Since the mid ninety, artists experiment digital geolocation technologies. In 2003, the term Locative Media was created to name these artistic practices. They describe their ontology starting from an aesthetic positioning within digital culture based on the rejection of the denial of body expressed in cyberculture and the affirmation of externalization of the screen aspects and deployment of the physical territories. From this observation, this research aims to reassess the body issue, its status, the aspects of its presence in the world in the context of digital culture. The hypothesis that arises is that locative media are part of a reconfiguration of the relationship between the body, digital networks and territory largely considered so far as bilateral relationships (body and territory, territory and network, body and network), towards a full ternary relation.
This research is positioned at the crossroad of art and information and communication sciences and unfolds, genetically, in a large socio-technical context. This approach which crosses network, body and territory issues is a transdisciplinary perspective that far exceeds these two initial areas.
The cross-analysis of a corpus of works and theoretical texts could highlight the following results:
Artistic practice of locative media is an exploratory approach of « hybrid » spaces overlapping physical spaces and digital implementation of devices, where the bodily presence is a performative agent.
From a theoretical point of view, they induce a paradigmatic shift based on a rejection of the denial of the body carried by cyberculture towards tangible territories of flesh and their coextensive relationship to an environment that is both technical and natural.
The observation and analysis of their unfolding in urban areas can arise the forms and discourses that anchor these practices in a political dimension of art. They are related to a broad transdisciplinary inquiry, revealing the issues of livability conditions in the contemporary world.
Finally, considering of their emerging nature and the dispersion of theirs sources regarding these practices, a overview, consists of a definitional, genealogical, discursive and aesthetic approaches, could be done.